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Pour mémoire, la structure arbres et nuages couvre de l’ordre de 100 à 400 m² (pour fixer les idées) où prennent place des cabanes-cocons telles que décrites dans la deuxième partie. Sa réalisation doit autant que possible suivre ces lignes directrices:
a. concevoir-construire
par le geste créateur,
b. couvrir l’espace
avec légèreté,
c. une forme adaptable
aux besoins,
d. une structure adaptable
aux contraintes.
Je n’insisterai pas, l’essentiel ayant déjà été dit. J’ajouterai les critères suivants comme des objectifs à atteindre, sachant qu’ils ne le seront pas au départ étant donnée la nouveauté du procédé:
1. Des techniques de construction faciles à maîtriser, disons par tout bon bricoleur. Il s’agira, par exemple, d’apprendre à manier une pince à souder pour réaliser des coussins gonflables. Ce ne devrait pas être plus difficile que de se servir d’une scie sauteuse et d’une perceuse-visseuse pour fabriquer un meuble en bois. C’est juste qu’il faut s’y faire.
2. Un procédé de construction rapide, car il ne s’agit pas de passer des années dans une caravane en attendant que la maison se termine (j’ai vu sur une maison voisine en réhabilitation trois ouvriers passer trois semaines à refaire seulement le crépi!). Pour moi, ce doit être une affaire de quelques jours, quelques semaines tout au plus, mais certainement pas des mois. Pour ce faire il ne faut pas que tout le monde ait tout à réinventer. Que cela sorte du génial talent d’une seule personne ou que plusieurs participent en apportant chacune sa petite touche, il faudra trouver des solutions performantes à une foule de petits problèmes inédits. Par exemple la fabrication des profils de jonction entre coussins qui devront être simples, faciles, performants et bien sûr pas chers.
3. Le prix est aussi un critère important car il est hors de question de devoir s’endetter pour des dizaines d’années. Je me demande si l’on pourrait passer sous le seuil psychologique des 100 euros par mètre carré en autoconstruction, soit 20 000 euros pour 200 m², le prix d’une voiture. À comparer avec ce qui se fait de moins cher aujourd’hui, la maison en paille ou en bois, dont le prix de revient tourne autour de 800 à 1000 euros le mètre carré, dix fois plus. Quoiqu’il en soit, les sources d’économies sont multiples: pas de gros travaux de terrassement ni de fondations (un sol parfaitement plat n’est pas exigé, j’y reviendrai); emploi de matériaux naturels abondants et renouvelables (bambou, chanvre, etc.), ou de matériaux industriels bon marché éventuellement détournés de leur fonction première (j’ai parlé de Shelter Systems qui pour l’ossature de ses dômes emploie des tuyaux de plomberie), ou encore des matériaux devenant bon marchés à force d’innovations (pour l’exemple, lorsque des lingots d’aluminium ont été produits pour la première fois au 19e siècle, ils revenaient si chers qu’on les destinait à des bijoux de luxe; aujourd’hui on en fait des emballages jetables! pourquoi pas une évolution des prix du même ordre pour l’ETFE?)…
4. J’ajoute qu’il ne s’agit pas de tirer systématiquement les prix vers le bas pour voir ensuite exploser les frais de fonctionnement et d’entretien. Donc travailler aussi à réduire ceux-là. Par exemple un coussin en ETFE fait à la fois office d’élément de couverture, de vitrage, d’isolant; pas besoin de nettoyage parce qu’il est anti-adhésif; pas besoin de multiples couches de protections à renouveler régulièrement (lasures, vernis et autres crépis…) car il résiste pratiquement à tout et ne vieillit quasiment pas.
Des quatre premières lignes directrices, la plus contraignante est sans aucun doute l’exigence de légèreté car on touche au cœur même de la matière et de ses forces. Tout le premier livre leur est consacré. Je n’y reviens pas et me contente de ces deux conclusions:
+ une grande
variété de procédés qui autorisent toutes sortes
de formes souvent très attrayantes et qui sont également très
résistantes contrairement à ce que laisse supposer leur frêle
aspect;
- mais qui en contrepartie
sont très exigeantes tant au niveau de la conception que de la réalisation,
au point de ne pas tolérer la moindre imprécision ni la moindre
faiblesse des matériaux.
Donc à moins de se satisfaire de formes très simples généralement dérivées de la sphère, ces procédés ne sont guère accessibles au bricoleur. Impossible en outre de réaliser ces structures par le geste créateur.
les tentes à points hauts et points bas de Frei Otto
Frei Otto, le grand champion des structures légères, n’a pas manqué de se heurter à ces difficultés. Contraints sur certains projets par des délais très courts, il a été stimulé pour inventer des moyens de les contourner. Sa solution la plus intéressante repose sur deux idées:
1. la tenue
et la capacité à résister à des efforts d’une
structure à membrane tendue est conditionnée d’une part par
sa forme qui doit être à double courbure anticlastique et d’autre
part par la prétension de la membrane (explications dans le livre 1
troisième partie);
2. une membrane plane
faite de fibres souples disposées en réseau (que ce soit pas
tissage comme un tissu, par tricotage comme un jersey ou par nouage comme
un filet) peut être aisément déformée pour prendre
une double courbure anticlastique en créant des points hauts et des
points bas.
Remarque importante: cette déformation globale de la surface n’est pas due à l’élasticité des fibres mais à la déformation de chaque maille carrée en losange; pour preuve la possibilité de réaliser des surfaces à double courbure à partir d’un treillis de bois, matériau souple mais pas vraiment extensible (voir livre 1 deuxième partie).
Les premières réalisations exploitant cette idée datent de 1957. Il s’agit tout d’abord d’une protection pour un orchestre qui devait jouer en plein air à l’occasion de l’ouverture du salon Interbau de Berlin. Disposant de peu de temps, Frei Otto a décidé d’utiliser ce procédé. Pas besoin de mesures précises ni de patrons compliqués, une simple toile de coton rectangulaire de 17,5 par 22,5 mètres (soit près de 400 m²) fixées à des mâts qui créent des points hauts et des points bas pour la déformer et lui donner une double courbure anticlastique:
Frei
Otto, lightweight construction, natural design, complete works Birkhaüser 2005, p 196 |
Ce n’est pas le summum de l’élégance mais ça permet de bien voir le principe:
- au centre,
le mât qui forme le point le plus haut,
- autour, 4 mâts
qui constituent les points bas et qui servent aussi à évacuer
l’eau de pluie,
- sur la périphérie,
14 mâts et autant de haubans pour ancrer la structure et tendre la membrane;
- des câbles sont
cousus dans les bords en forme d’arcs de cercles pour que la tension soit
également distribuée dans toutes les directions.
Pour le même salon Interbau de Berlin de 1957, Frei Otto a de nouveau employé ce procédé, en plus grand et avec une forme plus paysagère dirai-je que je trouve plus attrayante. Une grande membrane rectangulaire d’une seule pièce de près de 600 m² soutenue par 8 mâts seulement pour couvrir le Schloss Bellevue Café. Un an plus tard la structure a été remontée sur un îlot du lac Zurich:
ouvrage cité, p 198 |
Innovation importante, des structures en forme de pétales au sommet des mâts réalisées en contreplaqué évitent la concentration des efforts en un point:
ouvrage cité, p 20 |
Frei Otto aurait voulu mettre en application ces idées pour réaliser une habitation bon marché mais ça ne s’est jamais fait. Au contraire les circonstances l’on conduit à faire encore plus grand et plus spectaculaire:
ouvrage cité, p 298 |
3300 mètres carrés d’un simple tissu de coton et polyester sans découpe particulière, des mâts en acier surmontés de pétales qui distribuent les efforts, des câbles périphériques pour tendre la membrane, et des haubans pour ancrer la structure, c’est tout. Réalisée en 1975 par Ove Arup & partners avec l’aide de Frei Otto pour le compte de la compagnie BP, elle a été remontée deux ans plus tard à Hyde Park à l’occasion des fêtes du 25e anniversaire du couronnement de la reine.
Le procédé
a fait la preuve de sa simplicité et de son efficacité. La seule
faiblesse est le matériau de la membrane. Toutes ces structures n’ont
eu qu’une existence temporaire. Le coton et le polyester ne résisteraient
pas à un emploi permanent sur une longue durée, sans parler des
problèmes d’étanchéité. Où est l’économie
s’il faut remplacer la membrane tous les ans? Mais cela se passait dans les
années 70 et on dispose aujourd’hui d’autres matériaux plus performants
(voir livre 1 troisième partie).
En conclusion, c’est une solution
très intéressante qui répond de manière satisfaisante
aux principales contraintes que j’ai posées. Elle est hautement recommandable
même si ce n’est pas celle que je choisis. Il est un fait que mon goût
me porte vers des structures encore plus légère et transparentes,
mettant en œuvre le principe en deçà tension et compression
dévoilé dans le livre 1 quatrième
partie.
En 1971, l’architecte
Carlfried Mutschler gagne le concours pour la réalisation des bâtiments
du grand salon floral de Mannheim. Pour la grande halle polyvalente (Multihalle),
son projet prévoit une couverture faite d’une membrane suspendue à
des ballons à hélium. Des difficultés techniques et des
problèmes de respect des normes de la construction conduisent rapidement
à son abandon. On peut s’en réjouir dans une certaine mesure puisque
c’est suite à cela que Mutschler a fait appel à Frei Otto pour
mettre au point l’extraordinaire structure en treillis de bois décrite
dans le premier livre. Mais dommage tout de
même pour l’idée des ballons, j’aurais aimé voir ça…
Je n’ai pas connaissance de
réalisations effectives de ce genre. J’imagine que faire un toit avec
des ballons plus légers que l’air serrés les uns contre les autres
comme des bulles de savon devrait être techniquement faisable aujourd’hui.
Constatons:
- qu’on construit
des ballons et des dirigeables depuis plusieurs siècles maintenant;
- qu’on en fait même
capables d’accomplir le tour de la Terre (Breitling Orbiter 3 a réalisé
cet exploit en mars 1999: 42 700 km en à peine plus de 19
jours; cf. l’article de Phil Scott, le ballon qui a fait le tour du monde,
Pour la science n°269 mars 2000);
- qu’on dispose de matériaux
comme le PTFE (téflon) ou l’ETFE infiniment plus durables que les matériaux
employés habituellement pour les ballons (nylon, polyester…);
- qu’en architecture
les ballons n’ont pas à être très volumineux puisqu’ils
n’ont rien d’autre que leur poids à porter (en jouant sur la forme
et les propriétés antiadhésives de la membrane on peut
faire en sorte que le neige ne puisse pas s’accumuler).
Le principal problème
est le vent. La structure étant fixée au sol pour la retenir,
elle subit un vent relatif plus fort qu’un ballon en vol. Remarquons d’ailleurs
que de nombreux ballons sont endommagés au sol par des rafales de vent
alors qu’ils sont en attente de décollage; une fois en l’air, plus de
problème, le ballon se déplace avec le vent. Pour des ballons
fixes formant la couverture d’une structure architecturale je ne doute pas que
le problème du vent soit soluble: on sait faire des avions qui dépassent
la vitesse du son, des ponts et des gratte-ciel qui résistent à
des tempêtes, des dirigeables qui avancent contre le vent, alors pourquoi
pas des toits faits de ballons plus légers que l’air? D’autant que ceux-ci,
n’ayant que leur poids à porter, peuvent prendre des formes plus fines
que ces grosses sphères qui offrent une énorme prise au vent.
Donc pour moi pas de doute, une telle structure architecturale est techniquement
faisable.
Bien que cette idée
d’un toit plus léger que l’air me séduise énormément,
en résonance avec ma propre personnalité légère
et aérienne sans doute, je ne pousserai pas plus avant dans cette voie.
La raison principale en est que cela ne me semble pas aujourd’hui à la
portée du simple bricoleur. Il y a encore trop de contraintes techniques
pour en faire une solution accessible à tous. Sans même parler
des problèmes de conception, constatons déjà la difficulté
à se procurer de l’hélium (je n’envisage même pas l’hypothèse
d’un ballon à air chaud et la dépense colossale d’énergie
que cela représenterait de le maintenir en l’air en permanence). Bref,
le moment n’est peut-être pas venu de nous déconnecter à
ce point de la Terre. Mais qui sait, dans un futur un peu plus lointain… En
attendant, rien n’interdit d’explorer cette voie à ceux qui souhaitent
vivre cette aspiration vers le haut et qui se sentent capables de bricoler de
tels ballons (il doit y en avoir puisque certains construisent eux-mêmes
leur ballon à air chaud). Pour les autres, moi y compris aujourd’hui
(le 13 mai 2008 à 9h30), je propose de rester sur Terre et d’y planter
quelques arbres. Après ceci:
Même si des habitations constituées d’une structure autoportante plus légère que l’air ne sont pas encore d’actualité, je tenais à les évoquer pour montrer le potentiel évolutif du concept d’habitation développé ici. Non seulement il est déjà réalisable en adaptant le procédé conçu par Frei Otto il y a 50 ans, ce qui constitue une bonne base de départ, mais en plus il se révèle fécond. Il stimule l’imagination, nous invite à explorer toutes sortes de voies nouvelles, nous pousse à nous surpasser. J’en arrive à celle que j’ai choisie aujourd’hui et que j’appelle les arbres et les nuages, en quelque sorte à mi-chemin entre des ballons flottant en l’air et la membrane soutenue par des mâts.
Les nuages,
ce sont des coussins gonflables en ETFE. Ils sont posés sur des tiges
rigides appelées branches accrochées à des mâts
appelés troncs. Dans le volume protégé ainsi délimité
prennent place des cabanes-cocons. Ce sont autant de petites pièces
déplaçables comme des meubles, y compris, si les conditions climatiques
s’y prêtent, hors de l’espace couvert par les nuages.
Pourquoi des nuages
et pas un seul grand comme dans les structures de Frei Otto décrites
plus haut faites dans une seule pièce de tissu? D’abord pour des raisons
pratiques: des coussins plus petits sont beaucoup plus faciles à fabriquer,
à transporter, à mettre en place, à réparer. En
contrepartie, des profils de jonction entre les coussins sont requis. Tout compte
fait, cela me semble préférable à l’emploi d’un seul coussin
de 200 m² pesant près de 100 kg. Autre avantage: il est possible
d’enlever ou de rajouter des coussins pour adapter le bâtiment aux besoins.
Dernière raison et non des moindres, la possibilité de réaliser
pratiquement n’importe quelle forme. Comment?
Du point de vue structurel,
la forme optimale d’un coussin gonflable est la sphère: d’une part parce
qu’elle présente le rapport volume/surface le plus avantageux, d’autre
part parce que la tension dans la membrane est égale dans toutes les
directions et identique en tous points. Mais cette structure optimale qui convient
tout à fait à un ballon convient déjà beaucoup moins
pour un dirigeable et pas du tout pour un bâtiment. Pour un dirigeable,
la sphère doit être étirée en cylindre (ou mieux
en fuseau) pour garder un grand volume, donc une forte capacité portante,
tout en ayant de la manœuvrabilité; et pour l’architecture elle est aplatie
en lentille qui procure dessous un meilleur volume habitable et offre moins
de prise au vent.
Que peut-on faire avec des lentilles? Vues de dessus, elles se réduisent à des disques. Plaçons-en quelques uns sur une surface:
Le problème
saute aux yeux: on ne peut pas recouvrir parfaitement une surface avec des disques,
il y a des trous ou des recouvrements. On peut éviter les recouvrements
en diminuant le diamètre de certains cercles, mais pas les trous. Et
si l’on tente de les boucher avec d’autres disques plus petits, de nouveaux
trous se forment qu’il faut boucher avec encore d’autres disques plus petits,
et ainsi de suite à l’infini. Conclusion: si l’on veut optimiser le remplissage
d’une surface du point de vue géométrique, c’est-à-dire
sans qu’il y ait de trous ni de recouvrements, il faut abandonner le cercle
au profit du polygone.
L’hexagone régulier
est très pratique pour remplir une surface: cf. les alvéoles des
ruches. C’est ce qui se rapproche le plus de l’optimum structurel du cercle:
un cercle de diamètre donné peut être entouré très
précisément de 6 cercles de même diamètre; s’ils
sont déformables (essayez avec des ballons de baudruche) et que vous
comprimez le tout pour faire disparaître les trous, les arcs de cercles
se transforment en segments d’hexagones. Mais on ne peut pas couvrir des surfaces
quelconques avec seulement des hexagones réguliers. Pour ça il
faut employer d’autres polygones, certains irréguliers:
On s’éloigne
un peu plus des avantages structurels de la sphère mais ce n’est pas
trop grave dans la mesure où la pression utilisée pour gonfler
les coussins est très faible, quelques grammes par centimètre
carré seulement. Ce n’est pas grave non plus compte tenu de tous les
autres avantages qu’apporte cette solution:
1. Il devient possible
de paver n’importe quelle surface, y compris à double courbure synclastique
(cf. les dômes de l’Eden Project décrit dans le livre 1
quatrième partie qui est pavé d’hexagones et de pentagones
réguliers) ou anticlastique (comme un paraboloïde hyperbolique,
figure décrite dans le livre 2 deuxième
partie; plus précisément, une telle surface pavée de
coussins gonflables est globalement anticlastique mais synclastique localement,
c’est-à-dire au niveau de chaque coussin).
2. Le pavage peut se poursuivre
indéfiniment dans toutes les directions, ce qui implique qu’il est facile
d’étendre la surface couverte.
3. Les polygones peuvent
avoir un nombre quelconque de côtés et être des plus irréguliers.
Cela permet des formes globales aussi irrégulières que le terrain
lui-même, en quelque sorte naissant naturellement de ses caractéristiques.
Du coup cela autorise aussi une conception sur place.
4. Les coussins étant
polygonaux, toutes les soudures sont rectilignes, donc beaucoup plus faciles
à réaliser que des courbes.
5. Deux coussins adjacents
ont en commun une ligne droite, ce qui facilite leur raccord. Des profils de
jonction peuvent être conçus qui soient faciles à réaliser,
à poser et à démonter (je rappelle qu’il est important
que les coussins se démontent facilement, que ce soit pour effectuer
des réparations ou carrément pour les ranger le temps d’une tempête).
Les coussins sont posés sur des arbres plantés dans le sol qui consistent en un tronc et des branches. Le symbole est intéressant: des arbres enracinés dans la terre pour soutenir des nuages légers comme l’air, qui flottent à la limite de l’envol. Entre ce ciel et cette terre, c’est là que l’on habite.
Il y a deux façons de disposer les arbres et les nuages les uns par rapport aux autres. Selon la première, chaque tronc (petit cercle) est au milieu d’un polygone (pointillés), soutenant un coussin par des branches (traits pleins) qui partent radialement.
Voici en perspective à quoi pourrait ressembler un tel arbre:
Pour l’amour de l’art j’en ai réalisée une variante plus originale. J’ai commencé par faire un anneau de compression hexagonal avec des tasseaux coupés à l’onglet et de la ficelle:
Il n’y pas de colle, de clous, de vis, pas de découpes compliquées du genre tenons et mortaises, seulement quelques trous par où passent des câbles qui, bien tendus, tiennent solidement la structure et lui donnent une forme parfaite. Ce branchage repose sur un tronc (ici un tuyau de plomberie en PVC que l’on devine sur la photo précédente derrière l’hexagone) et un coussin gonflable est fixé dessus. Voici tout ça en situation avec une cabane-cocon en forme de dôme placée dessous:
Voici maintenant l’autre façon de disposer les arbres par rapport aux nuages:
Les polygones (donc les coussins qui s’y adaptent) sont identiques dans les deux cas, mais cette fois les troncs (petits cercles) sont situés aux sommets et les branches (traits pleins) dessinent les arêtes. L’avantage est que les profils de jonction entre les coussins et les profils de fixation des coussins aux branches coïncident. C’est cette structure que j’ai choisie de développer complètement.
Mon intention initiale était de réaliser un prototype en vraie grandeur. Pour diverses raisons dont la petitesse du terrain disponible (la maison est posée sur un terrain de 700 m² seulement) et le coût (une simple pince à souder de 20 cm de large coûte plus de 1000 euros), j’ai rabaissé mes prétentions pour me contenter d’une maquette:
- l’échelle
est de 1/20, la surface du modèle équivalant à environ
200 m² pour des hauteurs variant à l’intérieur de 3 à
8 m;
- les coussins sont
en polyéthylène au lieu d’ETFE, matériau très
bon marché, facile à se procurer et facile à souder,
- avec une simple petite
machine de cuisine servant à sceller des sacs de congélation
(moins de 35 euros);
- les valves de gonflage
des coussins sont des valves de pneus d’automobiles;
- les troncs
et les branches sont des tubes en PVC; en vrai ils seraient en bois,
en bambou, en fibre de verre, en métal (acier ou alu du genre tubes
d’échafaudages ou étais), etc.
1. délimitation de la forme directement sur le terrain, c’est-à-dire détermination de l’emplacement et de la hauteur des troncs qui marquent les sommets des polygones (voir description plus complète de cette phase dans la deuxième partie, § interlude)
2. léger travail d’égalisation du sol, pose d’une membrane d’étanchéité, recouverte de quelques centimètres de terre, recouverte d’un tapis
3. plantation des troncs
4. mise en place des branches
5. prise des mesures des polygones, découpe des lés, soudure, pose des coussins et gonflage
Pour parachever l’ouvrage, une membrane a été suspendue sur le pourtour (mais pas sur la totalité pour laisser voir l’intérieur) et deux cabanes-cocons placées dedans. L’une est un dôme en carton, l’autre une tente-hamac suspendue (ici à l’extérieur parce que c’est le printemps) inspirée du cocoon in the box décrit dans la deuxième partie.
Le résultat s’avère conforme à mes attentes. La réalisation n’a guère posé de difficultés. Le procédé est de mise en œuvre aisée et le travail plutôt agréable. Une réalisation en vraie grandeur devrait être tout aussi agréable (pas de charges lourdes à porter, pas de matières nocives à manipuler, pas de précision extrême exigée) et ne pas poser plus de problèmes, à quelques détails près.
Il est évident qu’en vraie grandeur, la résistance des différents éléments de la structure sera difficile à évaluer sans le recul de l’expérience et sans modélisation mathématique. Or, comme je l’ai dit, je souhaite autant que possible éviter les calculs et préfère trouver des moyens d’adapter la structure aux contraintes réelles qu’elle subit. Voici quelques pistes:
troncs
J’ai déjà évoquer
dans la troisième partie § adaptabilité
des structures l’idée consistant à réaliser les troncs
par assemblage de tiges minces. Outre que cela rend les éléments
beaucoup plus faciles à manipuler, cela offre la possibilité de
renforcer un tronc si besoin est en ajoutant simplement autour quelques
tiges supplémentaires.
branches
Le même procédé
peut servir pour les branches. Il faut seulement veiller à ce
que toute modification de leur épaisseur n’ait pas de répercussions
sur la dimension des coussins et leur fixation.
Une autre possibilité
plus sûre, plus élégante et parfaitement cohérente
avec le principe d’une couverture en coussins gonflables consiste, au moins
pour les plus grandes et les plus sollicitées, à recourir à
des poutres en tensairity: voir livre 1 première
partie § poutres en tensairity.
coussins
Des déformations trop
importantes et des tensions trop fortes sur les fixations doivent faire craindre
qu’un coussin est trop grand. Si rien n’est fait, le risque est qu’un coup de
vent ne le déchire ou arrache ses fixations. Pour information, les contraintes
sur un coussin sont proportionnelles à sa surface, laquelle varie comme
le carré de son diamètre, tandis qu’il n’est supporté que
sur sa périphérie, qui elle varie linéairement avec le
diamètre. Donc quand le diamètre augmente, la force qui s’exerce
sur une fixation augmente dans la même proportion, jusqu’au point où
l’on atteint la limite des matériaux, la membrane risquant alors de se
déchirer ou la fixation de s’arracher.
Un moyen simple d’y remédier
consiste à reprendre une partie des efforts par des câbles placés
sous les coussins. Exemple pour le plus grand coussin hexagonal de la structure
précédente (les câbles en question sont en bleu marine):
De nombreuses autres
questions restent à résoudre avant de valider le procédé
et le promouvoir. Pour diverses raisons je choisis d’en rester là:
Parfois la solution à
un problème dépend tellement de circonstances locales qu’il est
préférable de le traiter au cas par cas. Je pense par exemple
aux ancrages qui ne peuvent être déterminés qu’en fonction
de la nature du sol, des forces en présence, des matériaux disponibles,
etc. Ce serait un livre en soi que d’envisager tous les cas possibles. Heureusement
il en existe déjà, par exemple dans ce cas typology of anchors
for tensile structures, http://www.upc.es/ca1/cat/recerca/Menu/Menu2.htm
.
Face à d’autres problèmes,
j’avoue manquer de compétences pour les résoudre. La fixation
des coussins en particulier réclame une bonne expérience sur le
comportement des films plastiques. Mais même si je suis incapable d’inventer
un système de fixation idéal (pour la maquette je me suis contenté
de bricoler avec des pinces à linge), cela ne m’empêche pas de
penser que le problème est soluble et cela ne limite en rien la possibilité
de réaliser pour de vrai une telle structure. En fait il a déjà
été résolu, et pour des structures beaucoup plus imposantes,
même si les solutions ne sont pas encore accessibles aux bricoleurs. Pour
preuve, tous les remarquables bâtiments recourant à des coussins
gonflables en ETFE décrits dans le livre 1
quatrième partie, comme l’Eden Project en Angleterre ou la piscine
olympique de Pékin.
Enfin, il est des cas où
cela ne m’intéresse carrément pas de creuser davantage. C’est
ma nature, j’ai plaisir à inventer des belles synthèses sur des
grands sujets qui pour moi font sens et je suis capable d’y passer beaucoup
de temps. En revanche mon attention se relâche très vite et l’ennui
me gagne lorsque je dois passer du temps sur des détails, essentiels
certes, mais qui me font perdre de vue l’ensemble trop longtemps.
Malgré tout il reste
un point sur lequel je tiens à revenir parce que j’y vois davantage qu’un
détail:
Dans ma construction
théorique j’ai plusieurs fois insisté sur le lien du bâtiment
avec la Terre. Dans ma construction pratique, j’ai surtout développé
la partie aérienne. Ce n’est pas une contradiction. Dans la mesure où
cette manière de construire des maisons est totalement nouvelle, il est
normal d’insister sur les techniques les plus innovantes et les plus méconnues,
tandis que le travail du sol ne fait appel à aucun procédé
révolutionnaire.
Pour autant le sol de ces maisons
ne ressemble pas du tout à celui des maisons traditionnelles. Les idées
directrices sont simples: 1. travail réduit au minimum; 2. un
certain niveau de confort tout de même (je ne supporterais pas de patauger
dans la boue à la moindre pluie!); 3. un démontage aisé,
des matériaux si possible réutilisables et aucune cicatrice durable
sur le site.
Concrètement, cela se
traduit notamment par: peu de terrassement, et peu voire pas de fondations.
Peu de terrassement veut dire qu’il n’est pas nécessaire de mettre toute
la surface parfaitement de niveau. De légères déclivités
et des petites irrégularités peuvent subsister. Elles contribueront
à faire rentrer le paysage dans la maison et ne seront pas gênantes
si l’on ne s’encombre pas d’énormes vaisseliers et autres bibliothèques.
La question des meubles de ce genre a déjà été résolue
dans la première partie, je n’y reviens pas.
Autre façon de minimiser
le travail, on n’est pas obligé d’enlever les gros rochers ni d’arracher
tous les arbres. Certains ne demandent qu’à rester à leur place,
s’intégrant dans la maison comme la maison elle-même s’intègre
au site.
Quant aux fondations, elles
ne sont pas nécessaires étant données: d’une part la légèreté
de la structure; d’autre part sa faculté à tolérer des
petits mouvements de terrains en se déformant. Les arbres exigent
bien sûr d’être enracinés. Dans la majorité des cas
un simple trou suffira, comme pour les poteaux téléphoniques ou
électriques en bois. On évitera autant que faire se peut le béton
qui n’est pas récupérable et marque durablement le site.
Voici maintenant un exemple
de ce qui peut être fait:
De gauche à droite, l’on voit:
- un segment
de tronc situé en bordure extérieure,
- un petit remblai qui
marque la périphérie de la maison et empêche les eaux
de ruissellement de rentrer,
- un rocher émergent,
- un autre tronc situé
lui à l’intérieur.
De bas en haut la coupe du sol montre:
- le sol naturel,
- une membrane d’étanchéité
(classiquement posée sur un géotextile) qui remonte le long
des éléments traversants et recouvre le remblai,
- un remplissage de
terre, de sable, de graviers fins selon ce qu’on a sous la main,
- des tuyaux de circulation
d’eau ou d’air (petits cercles noirs) enterrés pour réguler
la température à l’intérieur à travers cette énorme
masse d’inertie thermique que constitue le remplissage précédent,
- des tapis sur le sol
égalisé et damé, en coton, sisal, jonc de mer, coco,
laine, paille de riz ou autres graminées façon tatami, etc.
Quelques mots encore à propos du système de chauffage qui vient d’être évoqué. Les apports d’énergie dans le sol ou son évacuation peuvent se faire, selon les cas, par géothermie, panneaux solaires à eau ou à air, puit provençal ou canadien… Étant précisé qu’on ne chauffe pas une telle habitation comme on chauffe un appartement parce qu’on n’y vit pas de la même manière. Dans ce grand espace, on maintient un certain niveau d’activité qui fait qu’en hiver on peut se sentir très à l’aise même s’il ne fait que 15°C. Les cabanes-cocons nous accueillent comme des espaces plus chaleureux si l’on a besoin justement de davantage de chaleur.
Il est facile d’imaginer
des variantes du procédé constructif arbres et nuages.
Parmi plusieurs qui m’ont traversé l’esprit, j’en retiens une que je
trouve intéressante, notamment parce qu’elle ouvre de nouvelles perspectives
concernant la difficile question des réactions d’une structures aux contraintes.
Je l’appelle bambous et nuages.
En préalable je précise
que le bambou n’est pas un arbre mais une graminée. Il est fait d’une
longue tige creuse qui s’apparente davantage à une tige d’herbe qu’à
un tronc d’arbre. L’élément de structure que j’appelle bambou
n’est pas forcément fait de bambous, tout comme les arbres ne
sont pas nécessairement en bois. J’emploie ces termes pour les analogies
dont ils sont porteurs et parce qu’ils sont plus évocateurs que des mots
que j’aurais inventés.
L’idée de remplacer
les arbres par des bambous est née d’une vision prolongée
par une réflexion. La vision m’est venue en regardant le film tigre
et dragon. Il y a à un moment une très belle scène
de combat dans une forêt de bambous. En les voyant se balançant
dans le vent, chacun à son rythme, je me suis dit que ce serait certainement
très beau une maison qui oscillerait ainsi légèrement sur
ses supports, comme une façon de garder un contact intime avec les éléments.
D’autant que j’ai immédiatement perçu dans ces innombrables balancements
différenciés (chaque bambou ayant une masse et une taille particulières
oscille à un rythme différent des autres) une possibilité
nouvelle de résister aux contraintes en dispersant l’énergie au
lieu de s’y opposer.
Je perçois une analogie entre une structure subissant l’assaut de forces extérieures et un être humain subissant les poussées et les coups d’un adversaire dans un combat au corps à corps. Analogie dans les effets physiques s’entend car il va de soi que les intentions sous-jacentes ne sont en rien comparables. Si le rapprochement m’intéresse ici, c’est que les hommes ont développé d’innombrables techniques de combat au corps à corps, qu’ils les ont théorisées, et qu’il doit être possible d’en tirer d’intéressantes leçons concernant la conception de structures architecturales. Je les distribuerai en trois groupes:
l’affrontement
De la gréco-romaine
au sumo en passant par le catch, c’est la forme de lutte la plus commune où
l’on répond à la force par une force de même nature et de
même intensité. Comme on dit, "ça passe ou ça
casse". Et quand "ça passe" pour l’un, c’est que "ça
casse" pour l’autre. Remarquons au passage que les adversaires ont souvent
la même corpulence, sinon le combat est trop déséquilibré
et perd tout intérêt. C’est donc en quelque sorte une image de
soi que l’on affronte.
l’esquive
Face à une manifestation
de force de l’adversaire, que ce soient des coups ou des poussées, l’esquive
consiste à éviter systématiquement le contact. Particulièrement
adaptée à des petits gabarits au tempérament vif confrontés
à des adversaires plus forts. Cela exige des réactions très
rapides et une vigilance de chaque instant pour anticiper les mouvements de
l’autre. Le problème est que chez les humains le geste est plus rapide
que l’œil (c’est ce qui permet aux prestidigitateurs de nous abuser, nous faisant
croire qu’il y a de la magie dans leurs tours alors que ce n’est que de la rapidité
d’exécution que l’œil ne perçoit pas). Si l’on attend de discerner
le mouvement dangereux avant de se mettre soi-même en mouvement, il est
trop tard, le coup nous atteint. Il faut anticiper. Mais alors surgit un dilemme:
comment être sûr que celui qui esquisse une attaque ne fait pas
une feinte pour mieux nous atteindre lorsqu’on aura esquiver de manière
prévisible? Et même si l’on réussit à ne prendre
aucun coup, c’est épuisant de maintenir un tel niveau d’attention. Au
moindre relâchement, boum!
l’absorption-dispersion
L’art suprême de la lutte
est le Taï-chi-chuan (littéralement la boxe du faîte suprême
en chinois). Il est hélas souvent pratiqué comme une simple gymnastique
en oubliant que c’est un véritable art martial. Son essence se retrouve
plus ou moins diluée dans certains arts martiaux japonais comme le judo
ou l’aïkido. À la manière paradoxale typiquement taoïste,
c’est davantage un art du non-combat suprêmement efficace lorsqu’il s’agit
de combattre. On dirait de la danse, une sorte de ballet grâce à
quoi l’on se relie à l’autre et qui dissout les notions habituelles d’adversaire
et d’affrontement. L’essence de ce combat sans combat, c’est le maintien d’un
contact permanent et l’absence totale de résistance. Il y a un accord
total avec les gestes de l’autre sans que ce soit une réaction ni une
anticipation, tout comme une feuille bouge dans le vent ou une algue dans le
courant. Vides d’intentions, sans manifester la moindre volonté, sans
faire usage de la moindre force, la feuille et l’algue restent toujours en contact
avec le fluide. Elles absorbent et dispersent l’énergie qu’elles reçoivent
en se coulant simplement dans ses mouvements, sans effort, sans dépenser
elles-mêmes d’énergie. Ainsi un maître de taï-chi ou
d’aïkido peut-il vaincre n’importe qui, sans fatigue car il n’a besoin
d’aucune force, se contentant de réorienter celles de son adversaire
pour faire en sorte que celui-ci se détruise lui-même.
Transposés aux construction, ces trois types de rapports avec les forces extérieures donnent trois types de structures: celles qui procèdent par résistance, celles qui procèdent par adaptabilité, et celles qui procèdent par absorption-dispersion. Le tableau suivant donne des exemples pour chacune des trois grandes forces qui nous concernent ici:
forces |
résistance |
adaptabilité |
absorption |
gravité |
1. empilages lourds et rigides |
4. ballons, dirigeables |
7. tenségrité, dôme géodésique, structures tendues |
vent |
2. idem |
5. voiliers |
8. arbres |
séismes |
3. idem |
6. masses mobiles au sommet des tours |
9. amortisseurs polymères |
Bien que tous ces exemples ne soient pas empruntés à l’architecture ils ont le mérite d’être parlants. Précisons un peu:
1, 2 et 3. Quel que soit le type de force qui s’applique, une structure conçue dans une logique de résistance s’y oppose par la masse et la rigidité. Si les forces augmentent, c’est simple, on en rajoute encore. "Ça passe ou ça casse" mais au bout du compte ça finit toujours par casser.
4. Les ballons et dirigeables sont des structures qui s’adaptent à la gravité en jouant sur la quantité de gaz et le lest. Quand il n’y a plus de lest ou plus assez de gaz, le vol devient impossible.
5. Les voiliers sont des structures qui s’adaptent au vent. La manœuvre est incessante pour adapter la voilure (surface et direction) au vent (vitesse et direction). Un instant d’inattention, et boum!, les voiles se déchirent ou le mât casse ou le navire chavire.
6 et 9. Les plus récentes tours construites en zone sismique disposent généralement de dispositifs ad-hoc pour absorber ou contrebalancer les brutales accélérations latérales. Les plus courants sont des amortisseurs en polymère (type caoutchouc) sur lesquels repose la totalité de l’immeuble. Plus rare et plus originale la présence d’une grosse masse qui bouge en fonction des mouvements de l’édifice pour rétablir son équilibre, un peu comme un équilibriste qui se maintient droit en bougeant un peu les bras. C’est le cas dans l’immense tour Taipei 101 à Taiwan (101 parce que 101 étages pour une hauteur de 508 mètres). Le dispositif antisismique consiste en une boule d’acier de 6 m de diamètre pour une masse de près de 800 tonnes suspendue entre le 88e étage et le 92e étage. Elle peut se déplacer d’une amplitude maximale d’un mètre cinquante pour contrebalancer en partie (le facteur d’amortissement est de 30 à 40%) les oscillations dues aux séismes ainsi qu’aux vents violents.
7. Ces structures ont été étudiées dans le livre 1 deuxième partie.
8. L’indépendance des feuilles d’un arbre fait qu’elles agissent comme des absorbeurs-disperseurs de l’énergie du vent. Il suffit d’observer un arbre pour constater qu’il est très rare que toutes les feuilles d’une même branche se déplacent simultanément dans la même direction. Il s’ensuit au niveau de la branche un mouvement d’amplitude moindre que si toutes les feuilles étaient rigidement fixées. De même l’indépendance des branches fait qu’elles ne se déplacent pas toutes ensemble dans la même direction, d’où également un effet amortisseur au niveau du tronc par annulation partielle des diverses quantités de mouvement. Pour la même raison tous les arbres d’une forêt ne bougent pas de la même manière.
Dans une structure
arbres et nuages, les troncs sont reliés entre eux par
des branches rigides. Si l’on remplace ces branches par des câbles
tendus, on obtient une structure plus souple capable d’absorber l’énergie
et la disperser par les mouvements différentiels de toutes les tiges
qui oscillent en même temps mais pas au même rythme. Quant aux coussins
fixés sur les câbles tendus, ils devraient absorber sans dommages
ces déformations grâce à leur souplesse. Une telle structure
bougerait dans le vent dans tous les sens, signe que l’énergie est dispersée.
Idem en cas de tremblement de terre qu’elle devrait subir sans dommages.
Je parle au conditionnel, n’ayant
pas réaliser de tests en vraie grandeur. C’est juste mon intuition qui
me dit que les choses devraient se passer ainsi. Encore une fois, même
si je n’ai pu aller au bout, cela a le mérite de montrer la fécondité
des concepts exposés ici. Mais j’ai quand même fait une maquette.
Concrètement, j’ai repris
la base conçue pour la structure précédente arbres et
nuages. J’ai remplacé les branches par des câbles. J’ai
rajouté des haubans sur le pourtour pour que les tiges restent droites
et ne basculent pas vers l’intérieur sous l’effet de la tension.
J’ai posé dessus les nuages. Voici les trois premiers:
Je vous laisse imaginer la suite dont le déroulement est identique à la structure arbres et nuages.
Des tas de détails pratiques restent à régler pour passer d’un simple modèle à une vraie maison constructible par n’importe quel bricoleur. Quoiqu’il en soit mon but est déjà atteint, qui était de montrer que l’on peut concevoir-construire une structure légère par le geste créateur. Le plus dur est fait. Sachant maintenant que "c’est possible", l’imagination peut encore plus se libérer. Je laisse ça à d’autres. Comme je l’ai dit j’en resterai là. Je me contenterai de donner ces deux lignes directrices pour guider les recherches ultérieures:
1. "Plus c’est
simple, moins c’est compliqué." (proverbe Vahéien)
D’abord un exemple de ce qu’il
ne faut pas faire. On trouve actuellement sur le marché de superbes poêles
à bois au rendement impressionnant. Pour atteindre ces performances,
certains ont une mécanique sophistiquée qui nécessite de
l’électricité. Ce qui veut dire qu’en cas de panne de courant
on ne peut pas se chauffer en brûlant du bois!
Dans un autre domaine, on préférera
un chauffe-eau solaire passif fonctionnant en thermosiphon à un équipement
actif nécessitant pompes, capteurs et électricité. Même
si le rendement est un peu moindre, au final on s’y retrouve largement parce
que ça ne peut pas tomber en panne. Je précise qu’une telle installation
impose une disposition particulière du ballon par rapport aux panneaux.
Ce n’est aucunement gênant si c’est pris en compte dès la conception
de l’habitation et non une fois que tout le reste est construit.
2. Faire en sorte
que toute fonction soit remplie par plusieurs éléments et que
tout élément remplisse plusieurs fonctions (principe inspiré
de la permaculture).
Exemple du premier type. Chez
nous à Chaudon, le chauffage est assuré par: le Soleil (ensoleillement
direct à travers une surface de vitrage relativement importante et bien
orientée), la cheminée (à foyer fermé), l’électricité
(un radiateur à accumulation, des convecteurs, un soufflant), et un poêle
à pétrole. Selon le temps, le moment de la journée, l’activité,
on jongle avec tout ça.
Exemple du second type: un
coussin en ETFE fait à la fois office d’élément de couverture
(mur ou toit), de vitrage et d’isolant. Comparons un mur de ce genre avec un
mur ‘traditionnel’: quelques couches d’ETFE d’un côté dans un cadre
rigide; et de l’autre, en allant de l’extérieur vers l’intérieur,
un crépi, des parpaings cimentés, un isolant, un parement intérieur
(plâtre, lambris…), plus les peintures, sans oublier des trous pour des
portes et des fenêtres avec tout ce que cela exige comme accessoires (linteaux,
raccords d’isolation, etc.).
Voilà, de nouvelles bases sont posées. J’espère que quelques personnes auront envie de s’emparer de ces idées et d’en faire quelque chose, voire tout autre chose, bref ce qu’elles veulent du moment que c’est à l’image de leurs plus grands rêves…
Achevé à Chaudon le 14 mai 2008,
Vahé