Pensez un instant à vos yeux qui vous servent à regarder le monde. Ils font tellement partie de vous qu'ils ne peuvent se voir eux-mêmes. Bien sûr, en vous plaçant devant un miroir, vous en percevrez une image assez fidèle. Mais, à y bien réfléchir, ce ne sont pas vos yeux que vous verrez, seulement leur reflet renvoyé par le miroir.
De manière analogue se présente le problème épistémologique fondamental qui depuis le début de cet ouvrage est à l'origine de tant de difficultés et de paradoxes : comment nous, qui sommes partie intégrante du monde, qui sommes faits de la même substance que lui, pouvons-nous le connaître et nous connaître nous-mêmes ? Nous avons vu comment, par une pirouette, le réalisme naïf se sort de la difficulté. Comme le miroir de notre analogie, il pose une séparation artificielle entre l'observateur et les objets observés, sensés exister au-dehors de lui et indépendamment. Mais nous ne pouvons plus aujourd'hui nous satisfaire de cette solution de facilité, tant les faits s'amoncellent qui témoignent du caractère indissociable de l'observateur et de l'observé. Nous en avons vu un certain nombre dans la première partie ainsi que dans le chapitre précédent.
Si nous ne pouvons plus poser de séparation, comme c'est le cas dans notre métaphysique où tout est fait exclusivement d'eidos, alors comment comprendre le sens du mot " connaître " ? Que connaissons-nous ? Comment connaissons-nous ? Quelle est la valeur de nos connaissances ? Telles sont les questions qui forment le coeur de la réflexion épistémologique. Et pour les attaquer, nous allons devoir revenir à la perception, puisque c'est par là que tout commence toujours, mais cette fois sous l'angle weidique.
Avant d'envisager comment les choses se passent au niveau d'un agrégat très complexe tel que l'homme, voyons déjà ce que nous pouvons tirer des simples principes de la Weid.
Vous vous souvenez sans doute de la manière dont nous avons fait surgir la conscience. Elle est un " flash ", qui se produit chaque fois que la Cause Séparante intervient pour sortir des eidos nouveaux d'une situation en lyse. Elle est donc assimilable à un acte de perception réciproque, car lorsque des eidos se séparent, c'est un peu comme si chacun se reconnaissait par opposition aux autres : " Tiens c'est toi, tiens c'est moi ". Cette reconnaissance précipite alors une nouvelle union, et le mouvement se poursuit.
L'aspect surprenant de ce flash de conscience (qui notons-le au passage est une simple conséquence, un prendre acte, et pas le moteur du phénomène) est qu'il y a à la fois individuation et globalité : la perception est distincte car à cet instant chaque eidos existe en lui-même séparément des autres ; mais en même temps elle est globale parce que c'est toute la situation, c'est-à-dire l'ensemble des eidos en train de se séparer, qui apparaît simultanément dans le flash.
Ce phénomène est l'occasion de faire une curieuse remarque. Nous avons expliqué au chapitre 4 qu'une des raisons pour lesquelles nous avions choisi d'appeler eidos les atomes de sens qui constituent en quelque sorte la seule matière de la réalité était que ce mot renvoyait à " idée ", mais sans avoir aucune de ses connotations actuelles. Le surprenant est que eidos est aussi à l'origine du mot " voir ", à travers le latin " videre ". Et " voir " conduit évidemment à " percevoir ". Le mot eidos, par sa capacité à évoquer simultanément la pensée et la vision de cette pensée, cristallise bien un des aspects essentiels de la Weid.
Les principes de notre métaphysique permettent de résoudre, pour le moment à un niveau élémentaire seulement, la plus importante difficulté de la perception, qui est la dualité observateur-observé. Pour nous, cette opposition n'a plus lieu d'être, car dans l'acte de perception que nous qualifions d'élémentaire, il n'y a que des eidos, et un flash de conscience de chacun et de tous provoqué par l'acte de séparation. Ou, cela revient au même, chaque eidos en train de sortir de la lyse tient le rôle à la fois de l'observateur et de l'observé pour les eidos qui naissent en même temps que lui. La question qui se pose maintenant est de trouver comment passer de cette perception élémentaire où des eidos se regardent mutuellement, à celle beaucoup plus complexe où un agrégat d'eidos, comme un homme par exemple, regarde le monde.
Fermez les yeux, isolez-vous du bruit, et contentez-vous pendant un moment de " regarder passer " vos pensées. Maintenant, sauriez-vous dire où étaient ces pensées ? Dans un premier élan, vous pourriez être tentés de répondre : " Dans ma tête ". Certes, les scientifiques prétendent aujourd'hui que c'est le cerveau qui engendre la pensée. Mais notez bien ceci : d'une part, ils sont incapables de dire en quoi consiste au juste la pensée ; d'autre part, cela n'a rien de si évident de mettre à cet endroit le siège de la pensée lorsqu'on constate que de nombreuses peuplades le situent ailleurs, généralement dans le coeur. En vérité, il faut se résoudre à admettre qu'elles ne sont pas plus ici qu'ailleurs. Qu'elles soient conscientes ou inconscientes, elles n'ont pas de localisation précise. Vous pouvez évoquer un lieu, une personne qui n'est pas présente, mais ces pensées, vous ne pourrez jamais dire qu'elles sont précisément quelque part. Remarquez au passage qu'il y a une grande différence entre constater que nous avons besoin d'un cerveau pour penser et prétendre que le cerveau est le siège de la pensée. Nous mettons en cause la seconde assertion, pas la première, et nous nous en expliquerons plus longuement au chapitre 8. Bref, ce qui compte pour le moment, c'est de constater que toutes vos pensées sont dans un " quelque part " qui n'a rien de localisé spatialement, qui n'a pas non plus de couleur ni de forme.
A partir de là, élargissez votre réflexion et dites-vous que les pensées des autres personnes, celles des autres espèces vivantes, puisqu'elles sont de nature semblable, que ce sont toutes des eidos, sont dans le même " ailleurs " qui n'est pas localisable. Continuez encore, en constatant que la matière et l'espace ont la même consistance immatérielle que la pensée, puisque ce sont aussi des eidos, et qu'ils sont donc superposés à toutes les autres formes de pensées. Cet endroit qui n'en est pas un, qui est en-dehors de tout espace, qui n'a pas de dimension, et où tous les eidos de l'univers se retrouvent, c'est ce que nous avons appelé le Point.
Cette conception a forcément des conséquences sur notre façon d'envisager la perception. Le coeur du problème vient du fait que si l'univers dans son entier tient bien dans un point sans dimension, alors nous tous, nous en faisons aussi partie. Nous sommes dans le Point, à regarder le Point ! Mais dans ces conditions, puisqu'il n'y a plus de séparation spatiale entre nous et les objets, comment expliquer que nos sens ordinaires ne nous permettent de percevoir qu'une infime fraction de la totalité des eidos ici-présents, comment expliquer que nous puissions percevoir des formes organisées et solides, et que ces perceptions fassent l'objet de consensus ? Autrement dit, s'il est vrai par exemple qu'aucune distance ne nous sépare en réalité du Soleil parce que l'espace n'existe pas en tant que tel, qu'il n'est lui aussi qu'eidos, alors comment se fait-il que nous ne puissions l'apercevoir lorsqu'il fait nuit, ou bien lorsque nous sommes enfermés dans une pièce dépourvue d'ouverture ? Comment se fait-il aussi que si nous l'observons à plusieurs, nous soyons tous d'accord sur ce que nous voyons ? Comment se fait-il encore que nous voyions le Soleil mais pas les pensées des autres ? Avant de rentrer dans les explications techniques, nous allons prendre deux analogies qui aideront à appréhender la manière dont les choses peuvent se passer.
Regardez la figure 12.
Si nous vous disons que cette étrange succession de carreaux blancs et de carreaux noirs représente la lettre C, vous serez sans doute surpris. Mais pourquoi pas puisque les lettres ne sont après tout que des conventions. Nous pourrions nous habituer à cette représentation, qui n'est somme toute pas plus compliquée que le morse. En fait elle n'est pas complètement arbitraire. Elle est dérivée de celle plus classique que vous voyez sur la figure 13.
La transformation se fait très simplement : il suffit de séparer les lignes horizontales et les mettre les unes à la suite des autres. La figure 12 est en quelque sorte une forme déployée de la figure 13 (pour reprendre la terminologie de David Bohm). Mais pourquoi s'arrêter là ? La figure 13 pourrait à son tour être vue comme le déploiement d'une forme plus repliée, celle de la figure 14 par exemple, où tous les petits carreaux sont simplement empilés les uns sur les autres.
Nous pourrions encore continuer, et " replier " cette figure en un ensemble de 0 et de 1 stockés dans la mémoire d'un ordinateur. Restons-en là. Cela suffit pour imaginer qu'il est possible d'organiser des formes à partir d'un fond informe, que cette organisation peut se faire de mille manières différentes, et être même l'objet d'un consensus s'il y a accord sur une convention. C'est ainsi que chaque fois que nous percevons le Point, nous en réalisons en quelque sorte un déploiement. Et chaque être réalise le sien à sa manière. Si les manières sont proches, il y a consensus sur le réel. Sinon apparaissent des comportements qui sont qualifiés de paradoxaux, comme pour nous le phénomène EPR qui révèle que les particules dénommées I.U. font du Point un déploiement très différent du nôtre. Ceci est d'ailleurs l'occasion de préciser que lorsque, au paragraphe précédent, nous avons parlé de perception élémentaire, il fallait bien comprendre du niveau élémentaire de la Weid, c'est-à-dire des eidos. Car rappelons qu'au-delà, à cause de la fractalité, il n'y plus rien d'élémentaire, que tout est agrégat d'eidos, même les particules.
Considérons à présent un poste de télévision. Les ondes électromagnétiques qui véhiculent les images des différentes chaînes sont toutes présentes simultanément dans l'antenne, comme les eidos sont tous présents dans le Point. C'est uniquement en faisant varier le réglage en fréquence du récepteur que nous nous fixons sur une chaîne ou sur une autre. En d'autres termes, nous adaptons le filtre pour ne retenir que les ondes de la chaîne qui nous intéresse.
Il en va de même des êtres vivants qui, dans le Point, regardent le Point où tout se superpose : ils sont dotés de puissants filtres qui sélectionnent les eidos avec lesquels ils interagissent pour construire leurs perceptions. Nous allons appeler sous-agrégat des sensations le groupe d'eidos qui chez l'homme sert ainsi de filtre. Ce sous-agrégat est bien entendu en très étroite correspondance avec la conformation de nos organes sensoriels. C'est ce qui fait que notre oeil par exemple n'est sensible qu'à certaines longueurs d'onde de la lumière, ou que son champ de vision est limité. Tout ceci se déroule pour l'instant sur le seul plan de ce que nous appelons ordinairement la matière. Il n'y a rien à ajouter à ce que dit la science mécaniste, sinon pour reformuler en termes weidiques la manière dont se construit dans le cerveau une sensation visuelle à partir du moment où des photons frappent la rétine de l'oeil. Ce petit développement technique est renvoyé dans l'annexe 2.
Où en sommes-nous ? Nous en sommes au point où, à partir des cellules sensibles de l'oeil, une cascade d'interactions s'est produite entre des molécules, ou du moins entre leurs équivalents weidiques qui sont des agrégats d'eidos, ce qui a fini par engendrer un certain état d'excitation des neurones de notre cerveau. Mais il faut bien comprendre que le résultat obtenu à ce stade ne fait pas encore sens au niveau de l'agrégat homme. C'est ce qu'on observe très bien dans le cas de certaines lésions cérébrales. Par exemple, lorsque le corps calleux, qui est un ensemble de neurones reliant les deux hémisphères cérébraux, est sectionné, des sujets à qui l'on présente des objets dans le champ visuel gauche sont incapables de les nommer, bien que leur oeil et l'aire visuelle de leur cerveau continuent de parfaitement fonctionner. C'est pourquoi nous choisissons de parler de sensation et pas encore de perception. Pour faire en sorte que la sensation se charge d'une signification et devienne ainsi une véritable perception, une seconde étape est requise. Compte tenu des réflexions du premier chapitre, nous nous doutons de la forme qu'elle va prendre. Nous savons en effet que nous ne percevons que ce que nous sommes en mesure de reconnaître, et que nous disposons pour ce faire d'un Modèle du Monde a priori. C'est cet ensemble d'eidos, certains innés, d'autres acquis, qui va servir à donner sens à l'informe de nos sensations. Nous pouvons alors reconnaître un visage, un mot, ou une tomate rouge posée sur la table, et ne pas voir seulement un ensemble de taches.
Pour bien sentir les deux étapes de ce processus de perception, regardez la figure 15.
Il est probable qu'elle vous semblera de prime abord insignifiante : ce n'est qu'une accumulation désordonnée de taches noires sur un fond blanc. C'est un peu cela une sensation. Maintenant, si nous vous disons que l'objet représenté est un éléphant, vous n'aurez sans doute plus de difficulté à le reconnaître (pour ceux qui éprouveraient encore quelques difficultés à le voir, précisons que la tête est à droite). C'est ainsi que dans un second temps intervient le Modèle du Monde pour construire une perception.
Voici finalement comment se déroule schématiquement l'ensemble du processus :
totalité des eidos ---> sous-agrégat des sensations ---> eidos sensation ---> sous-agrégat Modèle du Monde ---> eidos perception
En clair, cela signifie que le sous-agrégat des sensations agit comme un filtre pour sélectionner dans la totalité des eidos les seuls pertinents, puis que le sous-agrégat Modèle du Monde interprète ce qui est retenu pour construire les perceptions, c'est-à-dire des eidos qui font sens au niveau de l'homme.
A chaque étape du processus, c'est-à-dire chaque fois que des eidos s'unissent et se séparent, se produit une perception élémentaire. Mais le résultat pour nous au bout de cette longue chaîne (dont nous n'avons pas conscience ou plus exactement dont nous avons conscience de l'aboutissement seulement) est une perception élaborée, de telle sorte que si nous percevons " tomate rouge ", la tomate elle, à supposer même qu'elle existe, ne nous perçoit pas. Ainsi apparaît la coupure entre celui qui observe le monde et le monde observé. Nous ne pouvons pas savoir précisément ce que nous voyons à cause de la longue chaîne d'élaboration. Tout ce qui compte, c'est que cela fasse sens pour nous, et nous permette d'agir et de survivre, ou, en termes weidiques, de maintenir la cohésion de notre agrégat. La construction du monde que nous effectuons ainsi n'a d'autre finalité que de nous faciliter la vie.
Récapitulons. Une perception élémentaire permet d'accéder au contenu même d'un eidos. Elle est donc par essence vraie et indubitable. L'inconvénient est que si nous percevions en permanence ainsi tous les eidos constituant l'univers, nous serions complètement submergés, nous ne comprendrions rien, nous ne ferions rien, bref nous ne serions rien, sinon l'univers immobile absorbé dans la contemplation de lui-même ! C'est pour permettre l'action qu'est apparue la nécessité de mettre de l'ordre dans ce fouillis et que s'est développée la perception élaborée. L'important à ce stade n'est plus de voir les eidos tels qu'ils sont, mais d'en rassembler un grand nombre pour construire de nouveaux eidos qui leur donne un sens général. Nous nous retrouvons donc avec d'un côté la perception globalisante de l'homme, ou d'autres êtres, et de l'autre l'ensemble des eidos qui lui ont donné naissance. Ainsi naît la dualité, c'est-à-dire la coupure entre le monde et l'être qui le regarde, bien qu'au niveau le plus élémentaire de la Weid la perception ne soit pas dualiste. Le problème est qu'en procédant de la sorte, par filtrage puis interprétation, nous finissons par ne plus savoir ce qui, dans le monde, correspond à nos perceptions. Croyant le saisir, nous ne faisons que mettre un masque dessus. Mais comprenez bien la subtilité du processus : le monde est fait de pures significations, et les masques que nous plaquons avec nos perceptions sont aussi de pures significations qui appartiennent au monde ! Tout cela ne fait donc que refléter à un ordre élevé, celui des agrégats, le fonctionnement intime de l'univers qui est de créer des significations nouvelles, des eidos.
Cette conception de la perception, qui fait que l'image que nous avons du monde n'a plus grand chose à voir avec le monde, soulève une délicate question : comment expliquer que finalement " ça marche " ? C'est bien beau en effet de dire que nos perceptions ne sont que des constructions élaborées à partir d'un Modèle du Monde que nous possédons, mais le résultat est là : nous ne construisons pas n'importe quoi n'importe comment, puisque ça nous permet d'agir et de survivre. La " tomate rouge " n'existe probablement pas en tant qu'objet précisément défini. Pourtant nous pouvons tous la voir, pour peu que nous ayons des yeux ! Nous pouvons même en faire une salade et nous régaler !
Une partie de la réponse tient au fait que les eidos de nos perceptions sont saturés, ce qui nous donne l'illusion que tout cela est bien réel. Or cette saturation a une double origine. Elle provient d'une part de la saturation des eidos avec lesquels nous interagissons (en quelque sorte les objets du monde repliés dans le Point), et d'autre part de la saturation des eidos constituant nos sous-agrégats sensations et Modèle du Monde. Et comme ces sous-agrégats sont largement communs à tous les hommes, nous en arrivons à construire une représentation du monde consensuelle et en apparence solide.
Cet argument malheureusement n'explique pas tout. Car s'il n'y avait que cela, alors le fait que tous les hommes croient très fort que la Terre est plate suffirait à la rendre plate. Ce n'est manifestement pas le cas. Nous voici au coeur de la difficulté : s'il est indéniable que nous voyons le monde tel que nous sommes, ce que nous voyons doit aussi avoir un rapport avec ce qu'est le monde, sinon on ne comprend pas comment tout ça pourrait marcher. Autrement dit, dans l'élaboration d'une perception, quelle est la part qui revient au monde, et quelle est la part qui revient à celui qui perçoit ? Il faut bien reconnaître que ce problème central de l'épistémologie n'a à ce jour pas reçu de réponse vraiment satisfaisante. Ce n'est pourtant pas faute d'avoir essayé. Mais peut-être qu'avec les outils que nous avons élaborés, nous allons être en mesure de proposer une issue. Sachez toutefois qu'il faudra quelques efforts de réflexion pour la trouver.
Reprenons l'exemple de la Terre. La première chose à remarquer est qu'elle n'est ni plate, ni ronde, ni solide, ni quoi que ce soit d'autre, puisqu'il ne s'agit que d'un ensemble d'eidos repliés dans le Point. Donc sa rotondité ne saurait être une propriété intrinsèque. Elle n'est qu'une perception que nous construisons à partir de quelques eidos, un déploiement d'une certaine fraction du Point analogue à ce que nous avons fait subir à la lettre C sur les figures 12, 13 et 14. Mais nous ne saurions prétendre pour autant qu'elle n'est qu'une pure projection de notre mental. La raison en est qu'elle apparaît sans doute ronde aussi à d'autres êtres (oiseaux migrateurs, etc.), et surtout que d'innombrables actes le confirment, le fait en particulier que nous, mais aussi les ondes radio, la Lune, etc., puissent en faire le tour.
Comment sortir de ce paradoxe ? La solution se trouve peut-être dans cette idée extrêmement importante qu'est la coévolution. Il s'agit de ne plus considérer le Monde et le Modèle du Monde de façon statique, mais dans la dynamique évolutive qui les a mutuellement façonnés. Ce que nous allons dire à partir d'ici va donc s'appliquer aux perceptions que tous les êtres de notre univers ont de cet univers.
Tout a dû se faire par glissement, depuis les agrégats d'eidos constituant les particules, les I.U., qui ont interagi d'une certaine manière et pas d'une autre. Il est évidemment impossible de remonter à ces époques reculées, et de refaire le cheminement qui a abouti à ce que le système de perception des êtres de ce monde soit accordé au monde à percevoir, et réciproquement. Mais nous allons pouvoir rendre le problème un peu plus accessible en le reformulant.
Observons pour commencer un chat. Pour maintenir son existence en tant que chat, il éprouve périodiquement le besoin de se nourrir, ce qui le conduit à se mettre en chasse, c'est-à-dire à chercher dans le monde un objet permettant d'assouvir sa faim. C'est ainsi qu'il va reconnaître une souris, l'attraper, et la croquer, ce qui fera de lui un chat heureux, et une souris en moins dans le monde. D'une manière plus générale, nous pouvons constater : d'une part que le Modèle du Monde d'un agrégat lui sert à percevoir le Monde (le chat est à même de reconnaître les souris) ; d'autre part que ce Modèle, parce qu'il est l'essence même de l'agrégat, est aussi à l'origine de ses intentions (le chat éprouve le besoin de se nourrir) ; enfin que le Monde quant à lui est le champ d'actualisation de ces intentions, c'est-à-dire qu'elles vont se traduire en actes (le chat va se mettre en chasse) qui vont avoir pour effet de transformer le Monde (la souris va être mangée). Nous pouvons tirer de tout cela la remarque suivante : dire que le Monde et le Modèle du Monde ont coévolué revient à dire que la perception et l'action sont parfaitement indissociables. Approfondissons sur un exemple cette étroite imbrication entre perception et action.
Considérons les premières amibes. Elles avaient déjà leur façon à elles de voir le monde. Bien que plus simple que celui de l'homme, leur système de perception devait être tout de même assez élaboré, suffisamment en tout cas pour leur permettre de reconnaître leur nourriture. Il est assez facile d'imaginer comment la correspondance a pu s'établir entre le besoin de se nourrir et celui d'identifier une proie. Il suffisait d'en goûter un petit morceau pour savoir si cela convenait ou non. Ce test a peu à peu évolué en un organe spécialisé, l'odorat. Car finalement sentir une odeur n'est rien d'autre que goûter un petit morceau détaché de la proie. Nous voyons ainsi que la perception renvoie intrinsèquement à l'action (sentir renvoie à goûter et manger) et n'est pas concernée par, dirons-nous, une connaissance abstraite visant à se représenter le monde le plus fidèlement possible. Bien que les perceptions de l'homme semblent beaucoup plus élaborées, elles ne présentent pas dans le principe de réelle différence. C'est seulement le résultat d'une longue et lente accumulation qui nous fait voir, entendre, sentir avec une telle richesse, pour nous permettre d'agir aussi efficacement que possible. Notre conquête de la planète est la preuve de cette efficacité.
En constatant le lien qui unit la perception et l'action, nous établissons une correspondance entre un agrégat et le Monde : ce qu'est l'agrégat engendre ses intentions, qui engendrent ses actions sur le Monde, Monde qu'en retour il perçoit pour former de nouvelles intentions. Or il convient maintenant de nous souvenir que le Monde n'est rien d'autre qu'un ensemble d'agrégats. Par conséquent, la correspondance que nous venons d'établir existe simultanément pour tous les agrégats qui constituent le Monde. Il en résulte que ce qu'est un agrégat particulier, ce qu'il fait et ce qu'il perçoit, est en étroite correspondance avec ce que sont tous les autres agrégats, ce qu'ils font et ce qu'ils perçoivent. Donc tous ces Modèles du Monde sont en quelque sorte accordés, et le Monde lui-même s'avère être à l'image de ces modèles ! La conclusion maintenant s'impose d'elle-même : nous sommes tous co-créateurs du monde, non pas chacun de nous séparément, mais tous ensemble, tous les agrégats, des particules à Gaïa. Tel est le sens subtil et profond de ce que nous entendons par coévolution entre le Monde et le Modèle du Monde.
Tout ceci a tellement été affirmé et réaffirmé depuis des milliards d'années que nous n'avons plus conscience d'être co-créateurs du monde. Voilà pourquoi nous baignons dans l'illusion qu'il existe indépendamment de nous. Voilà donc pourquoi, même si nous construisons nos perceptions, elles ne sont pas n'importe quoi et donnent des résultats qui marchent. Voilà encore pourquoi les Anciens avaient raison de dire : " Connais-toi toi-même, et tu connaîtras l'univers et ses dieux ". Et, pour en revenir à notre point de départ, voilà finalement pourquoi il ne suffit pas de croire que la Terre est plate pour la rendre plate. Il ne s'agit pas d'un problème de croyance mais d'un problème de perception. La Terre ne peut cesser d'être ronde ou solide qu'à condition de changer notre système de perception. Mais compte tenu de la solidité des sous-agrégats sensations et Modèle du Monde, c'est très difficile, sans toutefois que cela soit impossible. Nous en reparlerons plus loin.
Ce que nous venons de dire de la perception vaut pour les hommes comme pour tous les êtres de l'univers, des particules à Gaïa voire au-delà. Tous sont dans le monde, non séparé de lui, dans le Point, et tous sont dotés d'un système qui établit une coupure artificielle entre " moi " et " le monde ", et qui construit des perceptions permettant de survivre. Le " vrai " là-dedans n'a pas sa place. Seul compte l'efficace.
L'homme possède en plus une particularité qui, supposons-nous, le distingue des autres espèces. Il possède la conscience réflexive qui lui permet de se regarder lui-même en train de regarder le monde. Grâce à cela, il est capable de construire des connaissances à partir de ses perceptions. C'est ainsi par exemple qu'il ne se contente pas de voir les tomates et de les manger, mais qu'il sait aussi comment les cultiver, et qu'il va même jusqu'à établir leur appartenance à la famille des solanacées.
Résultat ? Loin d'approcher du réel, ce mode de connaissance ne fait qu'en éloigner, parce que ce n'est qu'une couche supplémentaire d'eidos construits à partir d'autres eidos, eux-mêmes construits sur les eidos qui constituent la trame du monde. Ouf ! Cet empilement n'empêche nullement d'obtenir des résultats utiles, ce qui suffit amplement à en justifier l'emploi. La meilleure preuve en est la méthode scientifique, dont nous avons abondamment parlé dans la première partie, et qui n'est qu'une variante de ce mode de connaissance. La science telle que nous la concevons et la pratiquons depuis plus de deux siècles est une simple extension de nos moyens perceptifs. Par conséquent tout ce que nous avons dit de la perception s'applique aussi à elle. Les critiques que nous lui avons adressées trouvent maintenant une explication dans ce cadre, en particulier le fait qu'elle ne donne pas accès à la réalité, mais qu'elle construit des apparences utiles, jusqu'à un certain point évidemment car par sa nature même la méthode a des limites.
Nous venons de voir que les perceptions qu'ont les agrégats du Monde ne consistent pas à se le représenter le plus fidèlement possible, mais seulement à construire des significations qui permettent d'agir. Cela se fait en deux temps, d'abord filtrer tous les eidos du Point à travers leur sous-agrégat sensations, puis interpréter ce qui est retenu grâce à leur Modèle du Monde. Notre raison est satisfaite. Mais quelque chose en nous en voudrait peut-être plus. La meilleure preuve que les choses se passent ainsi ne serait-elle pas que nous parvenions réellement à percevoir le monde différemment ? Ne pourrions-nous par exemple cesser de ressentir la solidité des objets, ou bien cesser d'être limité dans nos déplacements par l'espace ? Bref, ne pourrions-nous réaliser d'autres déploiements du Point ?
De fait, il existe une foule de phénomènes, aujourd'hui bien étudiés et répertoriés sous la rubrique Etats Modifiés de Conscience, qui sont susceptibles de nous introduire dans ces réalités différentes : voyages chamaniques (cf. en particulier les aventures de Castaneda (1)), absorption de substances hallucinogènes (voir les travaux de Grof avec le LSD (2)), expériences hors du corps (aussi dénommées OBE, de l'anglais out of the body experiments (3)), expériences au seuil de la mort (aussi dénommées NDE, de l'anglais near death experience (4)), certains rêves, expériences mystiques (dont il faut noter les grandes similitudes par-delà les différences religieuses et culturelles)
Nous parlons à propos de ces expériences de perceptions de réalités, en ajoutant seulement qu'elles sont non-ordinaires, pour bien indiquer qu'elles sont fondamentalement de même nature que les perceptions ordinaires, celles du réalisme naïf, aussi réelles donc. Et si elles apparaissent non-ordinaires, c'est simplement que nous n'en sommes pas suffisamment familiers. Le problème toutefois est de parvenir à démêler ce qui relève vraiment d'une façon nouvelle de percevoir le monde, et ce qui correspond seulement à une remontée de matériaux inconscients accumulés depuis le début de l'existence. La difficulté vient du fait qu'il y a deux choses à modifier pour passer de la réalité ordinaire à une réalité non-ordinaire, le Modèle du Monde, et les sensations.
Agir sur le Modèle du Monde semble à première vue assez facile. En vérité ça ne l'est pas tant. La première raison en est que nous nous heurtons à des eidos très saturés. Il est donc particulièrement difficile de leur en substituer de nouveaux. Il suffit déjà d'observer comme la plupart d'entre nous rechignent à changer d'opinion, politique par exemple, ou autres, pour comprendre que ce doit être bien pire de s'attaquer au Modèle du Monde. L'autre raison qui rend cette opération particulièrement délicate est que nous ne disposons généralement pas de cadres mentaux appropriés à des perceptions différentes. Comment expliquer à un aveugle les formes et les couleurs ? La difficulté est aussi grande pour interpréter les réalités non-ordinaires. C'est pourquoi, pour être en mesure de les percevoir, il est indispensable de commencer par croire en elles, c'est-à-dire au moins à leur existence. Si vous croyez aux lutins, vous ne les verrez pas forcément ; mais si vous n'y croyez pas, vous n'aurez aucune chance de les voir, à supposer qu'ils veuillent bien se manifester ! Croire est le seul moyen d'affaiblir les eidos de la réalité ordinaire, car rappelons que dans la Weid, on n'efface pas l'ancien qui a été maintes fois réaffirmé, on construit autre chose à la place.
Mais croire ne suffit pas. Il ne faut pas confondre une hallucination, qui est une pure création de notre mental, c'est-à-dire une construction à partir de matériaux présents uniquement dans l'agrégat, avec une perception non-ordinaire, qui elle vient toujours du dehors. Il est plus facile de se fabriquer dans sa tête l'image d'un fantôme que de voir un vrai fantôme. Pour véritablement parvenir à percevoir le monde différemment, il est indispensable de modifier le sous-agrégat des sensations. Là les choses deviennent vraiment difficiles car il faut court-circuiter les sens ordinaires et réussir à ouvrir d'autre canaux de sensations. Certains y arrivent fortuitement. Mais la plupart ont besoin d'aides plus ou moins fortes, qui vont de la méditation à l'absorption de substances hallucinogènes, en passant par le caisson d'isolation sensoriel, l'écoute de certains sons répétitifs (tambour des chamanes), des mouvements corporels (comme la danse des derviches), etc. (5).
Que penser de ces réalités non-ordinaires ? La première chose à souligner est qu'elles ne sont ni plus ni moins vraies que la réalité ordinaire. Ce sont d'autres façons de déployer le Point, qui peuvent avoir aussi leur utilité. Ceci dit, il y a deux excès à éviter. L'un est de penser qu'il n'y a là rien de réel. C'est la position des matérialistes intransigeants, qui ne peuvent, ou ne veulent, concevoir qu'il puisse exister une autre forme de réalité. Nous espérons que, si besoin était, tout ce que nous avons dit depuis le début de ce livre vous aura persuadé du contraire.
L'autre excès est plus pernicieux. Il est dans le fait de croire que puisque ce n'est pas ordinaire, c'est forcément plus vrai. Et comme l'on s'affranchit de la plupart des limites de la matière, on a tendance à trouver cela plus agréable. Il est facile de s'y laisser prendre, et d'en arriver à l'idée qu'on est mieux là que dans le monde ordinaire. Il faut en ces choses savoir raison garder. Prenez par exemple ces visions " d'êtres de lumière " que beaucoup relatent. S'agit-il vraiment d'anges ou de dieux ? Nous pouvons comparer cette situation à celle d'un homme qui la nuit est ébloui par une lumière très vive. Il ne voit qu'une immense tache blanche. Pourtant, derrière elle, il y a une ampoule d'où jaillit cette lumière, une automobile, un conducteur au volant de cette automobile, etc. Mais en la circonstance, il est tellement ébloui qu'il ne peut décrire qu'une lumière vive. De même, la plupart des expériences de perceptions non-ordinaires recèlent certainement beaucoup plus que ce à quoi elles sont réduites une fois passées à la moulinette de notre ignorance.
Si nous éprouvons tant de difficultés à sortir de la réalité ordinaire, c'est qu'il doit y avoir une bonne raison. Pour la trouver, souvenons-nous du caractère indissociable de la perception et de l'action. Notre façon de percevoir le monde est accordée aux actions que nous avons à accomplir sur le monde. Donc si nous percevons comme nous percevons, c'est que nous avons quelque chose à faire qui correspond à cette manière d'être en relation avec le monde. Il est aussi faux que dangereux de croire que l'herbe est plus verte ailleurs. Notre terrain d'action est la Terre. Il faut l'accepter, et jouer à fond la partie.
Reste que, dans la mesure où elles ne sont pas une fin en soi, ces expériences ont leur utilité. Si on ne connaît qu'une seule réalité, on croit forcément que c'est la seule, l'unique, que c'est la Vérité. On est aveugle et intolérant, prisonnier d'une cage dont les barreaux ne sont que le reflet de notre peur et de notre ignorance. Mais si l'on fait l'expérience d'une autre réalité, ne serait-ce qu'une fois, alors on sait qu'il en existe une infinité, toutes aussi vraies et solides. A condition de ne pas succomber au désir de rester de l'autre côté du miroir, on devient libre, ouvert au monde, et on se met à jouer la partie en connaissance de cause, sans plus se prendre trop au sérieux.
Ajoutons qu'en-dehors de ces expériences fortes, chacun connaît des petits basculements de conscience, comme par exemple les intuitions. S'il est indéniablement dangereux de séjourner trop longtemps dans les réalités non-ordinaires, ces expériences plus douces sont en revanche tout à fait vitales. Elles sont notamment la source des créations qui enrichissent et renouvellent notre vision du monde. Toutefois, passer d'une intuition à une connaissance clairement formulée est rarement simple. Cela peut prendre une vie. La principale difficulté vient du fait que, par leur nature même, les réalités non-ordinaires sont au-delà de nos concepts et représentations habituels. Il faut donc de réels efforts pour parvenir à des mises en forme aussi complètes, cohérentes, et compréhensibles que possible (notez que nous ne disons pas " fidèle "). Et cet effort, avant d'être créateur est toujours destructeur. Il est indispensable de commencer par sortir des cadres de pensée existants, même si c'est pour les réintégrer plus tard dans des concepts plus compréhensifs. Ainsi se construisent peu à peu de nouveaux Modèles du Monde.
Cette manière de passer d'une intuition à une connaissance normale par une chaîne plus ou moins longue d'élaboration eidique est un processus tout à fait général. C'est cela qui explique que toutes les créations importantes soient précédées de flashs d'intuitions. Nous ne citerons que le fameux rêve de Descartes au cours duquel il eut l'intuition de la science qu'il allait bâtir. Nous ajouterons que ce livre ne s'est pas fait autrement.
D'une façon abrégée, nous pouvons dire que la perception est un processus de construction d'eidos résultant de l'interaction entre un agrégat, l'homme par exemple, et tout le reste de la Weid. Les eidos ainsi construits sont donc héritiers à la fois des eidos du monde et de ceux de l'homme, et ce quelle que soit la longueur de la chaîne d'union-séparation requise pour aboutir à un résultat. Autrement dit, chacune de nos pensées est toujours un reflet du monde. Même si nous sommes encore incapables de dire ce qui en elles en provient, et incapables aussi d'en apprécier la déformation, une conclusion s'impose : toutes nos pensées sont des symboles. Que ce soient de simples perceptions ou des mots, il n'y a rien en elles d'arbitraire. Elles sont chargées d'un sens qui est toujours dynamiquement relié à d'autres significations appartenant au monde, même si le lien est souvent ténu. Et dans ce lien réside le symbole. Tout le travail de connaissance symbolique consiste alors à expliciter dans ce qui semble nous appartenir en propre, à savoir nos pensées, la part qui revient au monde.
Dans cette affirmation que toutes les pensées humaines sont symbole, de la vision d'un objet au raisonnement le plus abstrait, il faut évidemment introduire des nuances, car toutes ne reflètent pas le monde d'une égale manière. A priori, nous pouvons distinguer deux grandes catégories de symboles, ceux qui doivent plus à l'homme qu'au monde, et ceux qui doivent plus au monde qu'à l'homme. Rentrons dans le détail en prenant tout de suite un exemple.
Le 7 est un symbole universellement reconnu. Il se trouve déjà chez les sumériens : les morts devaient franchir 7 portes dans l'enfer ; il y avait 7 planètes (le Soleil, la Lune, Mercure, Vénus, Mars, Jupiter, et Saturne), à l'origine des 7 jours de la semaine ; le déluge durait 7 jours et 7 nuits, etc. Dans la Bible aussi le nombre 7 revient très souvent : l'homme doit se reposer le septième jour ; l'évangile de Jean donne 7 titres au Seigneur ; dans l'Apocalypse, Jésus s'adresse aux 7 Eglises d'Asie Il y a 7 péchés capitaux, 7 notes dans la gamme, 7 couleurs dans l'arc-en-ciel, etc. En Asie, le Bouddha a atteint la cime du monde en traversant 7 étages cosmiques ; il y a 7 Bouddha du temps passé, etc.
Si le 7 aujourd'hui est un symbole d'une telle force, ce n'est pas pour des raisons propres au monde, mais bien plutôt parce qu'il s'agit d'un eidos construit par l'homme, tant de fois affirmé et réaffirmé qu'il en est devenu extrêmement solide. Car le monde lui-même ne possède rien de tel qu'une semaine de 7 jours ; le système solaire n'est pas limité à 7 planètes ; les transitions de couleurs dans l'arc-en-ciel ne sont pas tranchées Et même si des animaux sont aussi capables de compter jusqu'à 7, ils n'en ont pas construit de représentation ni fait ce qu'a fait l'homme avec.
Nous sommes en droit de nous demander pourquoi c'est ce nombre et pas un autre qui a pris une telle importance symbolique. Pour le découvrir, rapprochons deux faits. D'une part, notre mémoire à court terme retient environ 7 données, à une ou deux près. Cela veut dire que nous n'avons pas trop de mal à nous souvenir de 7 objets qui viennent de nous être présentés. D'autre part, la perception immédiate du nombre, celle qui s'effectue d'un seul coup d'oeil sans qu'il soit besoin de compter séparément, est limitée à 5 ou 6 objets (vous pouvez facilement le vérifier en étalant quelques objets devant vous ; vous constaterez que jusqu'à 6, vous saurez dire combien il y en a sans avoir à effectuer le compte). 7 est donc le premier des " grands nombres ", ceux qui ne sont pas saisissables immédiatement, mais qui reste néanmoins maîtrisable. De là sans doute son air mystérieux qui lui a fait acquérir tant d'importance.
Les symboles de ce type s'avèrent finalement de peu d'utilité pour connaître le monde. Insistons bien sur le dernier membre de cette phrase, " pour connaître le monde ", car loin de nous l'idée de prétendre qu'ils ne servent à rien. Au contraire même, ils témoignent d'une propriété tout à fait fondamentale de la Weid : LA PENSEE EST CREATRICE DE LA REALITE. Les hommes auraient pu construire une semaine de 6 jours et une gamme de 6 notes. Mais ils en ont préféré 7, et ce faisant ils ont renforcé cet eidos au détriment des autres. Si aujourd'hui nous constatons qu'il y a 7 plans de développement cosmique et 7 chakras dans le corps humain, ce n'est pas parce qu'il s'agit de caractéristiques intrinsèques, mais bien plutôt parce qu'à force de vouloir depuis des millénaires qu'il y en ait 7, il ne s'en est construit que 7.
Notre pensée est créatrice et influe sur le cours du monde. Le Mécanisme de Descartes en est un autre exemple. Nous savons que le monde n'est pas une machine. Mais en le regardant comme telle, il se dévoile comme telle. Et vous-même, en ce moment, tandis que vous pensez à la Weid, vous êtes déjà en train de participer à la construction d'un monde différent.
Vous pourriez objecter que la croyance dans le modèle géocentrique de Ptolémée, exemple parmi d'autres, a été une grosse erreur, pas créatrice du tout, et même plutôt nuisible. Un tel exemple en fait ne remet pas en cause les affirmations précédentes, car cette résistance du monde face à certaines idées qu'on veut lui imposer témoigne de l'existence de quelque chose de plus profond, d'antérieur à notre pensée. Voilà qui nous amène aux symboles du second type, ceux dont la direction d'ajustement va du monde à l'homme et non plus de l'homme au monde.
L'exemple que nous avons choisi pour illustrer les symboles du second type est dans la continuité du précédent puisqu'il s'agit aussi d'un nombre, le Nombre d'Or en l'occurrence, dont une valeur approchée est 1,618 . Ce nombre décrit le partage d'un segment de droite de telle sorte que la plus petite partie soit dans le même rapport à la plus grande que la plus grande à la totalité du segment. Cette proportion a la particularité d'être toujours perçue par l'homme comme harmonieuse. C'est pourquoi elle est à l'origine d'une esthétique. Elle se retrouve ainsi dans les pyramides d'Egypte, les temples grecs, les tableaux des peintres de la Renaissance et des cubistes, etc.
En quoi ce nombre est-il un symbole différent du 7 ? En cela qu'il est largement présent dans la nature, d'une manière qui n'est pas imputable à l'homme, comme l'est par exemple la semaine de 7 jours. Le Nombre d'Or préside à l'enroulement spiralé des coquilles du nautile et de l'ammonite (6). Chez l'homme, il est présent dans le rapport des première et seconde, seconde et troisième phalanges de la main (7). Il apparaît encore subrepticement au détour de réflexions mathématiques apparemment bien éloignées de ces considérations, comme dans l'équation logistique, à l'origine des étonnantes images du chaos que nous vous avons montrées au chapitre précédent (8).
En fait le Nombre d'Or n'est qu'un reflet d'un phénomène beaucoup plus profond. Son origine se trouve dans une expression mathématique appelée suite de Fibonacci. Fibonacci, de son vrai nom Leonardo da Pisa, est celui qui, au 12ème siècle, introduisit en Occident les chiffres arabes, ou plus exactement indiens. Il s'intéressa aussi à la prolifération des lapins, et découvrit que la croissance de leur population suivait la progression : 1 2 3 5 8 13 21 34 55 89 144 233 etc. Chaque élément de cette suite est obtenu en additionnant les deux précédents, soit par exemple : 13=8+5 , 21=13+8 , etc. Le Nombre d'Or apparaît lorsqu'on effectue le rapport de deux nombres consécutifs de la suite. Par exemple : 13 :8=1,625 , 21 :13=1,615 , 34 :21=1,619 , etc. Plus les nombres sont grands, plus le rapport est proche de la valeur exacte du Nombre d'Or.
Il s'avère que la suite de Fibonacci est extrêmement fréquente dans la nature. Elle se retrouve par exemple dans les fleurs de tournesol, dont les graines s'ordonnent en spirales toujours caractérisées par deux nombres consécutifs de la suite (9) : 34 spirales dans un sens et 55 dans l'autre pour les petites fleurs ; 55 et 89 spirales pour les fleurs moyennes ; 89 et 144 pour les fleurs géantes. Aucune fleur de tournesol ne présente jamais 35 et 54 spirales par exemple, ou bien 56 et 88. La suite de Fibonacci se retrouve encore dans les pommes de pins, l'ananas, les étamines des fleurs de magnolia, dans la disposition des feuilles d'euphorbe, des piquants des oursins, etc.
Plus surprenant, elle apparaît d'une manière assez subtile dans la façon dont les nucléotides s'ordonnent le long des gènes. C'est ce qui ressort des travaux de Jean-Claude Perez sur le gène de la catalase en particulier (10).
Les nombres de la suite de Fibonacci et le nombre d'Or se retrouvent encore dans divers phénomènes chaotiques, plus précisément lors de leur transition d'un comportement quasi-périodique à un comportement chaotique. C'est le cas par exemple des variations de conductivité électrique d'un cristal de niobate de sodium et de baryum (Ba2NaNb5O15) soumis à un courant électrique dans certaines conditions de température (11). C'est également le cas de certains fluides soumis à une oscillation forcée (12), ou d'une boussole soumise à l'influence de deux champs magnétiques (13).
La suite de Fibonacci est la formule qui construit le terme suivant à partir du terme actuel en lui ajoutant le terme précédent. (mathématiquement cela s'écrit : Fn+1 = Fn + Fn-1 ou Fn+1 - Fn = Fn-1 ). Elle permet donc de produire un effet de croissance d'une manière extrêmement simple.
En tant que concept, elle est évidemment une création humaine au même titre que le Nombre d'Or ou le 7. Mais en tant que symbole, elle reflète le monde. Et comme nous venons de la trouver abondamment présente dans les divers plans de la création, nous pouvons ajouter qu'elle reflète la constitution profonde de notre monde. Par conséquent, elle est révélatrice de l'existence de ce que nous nommerons le Germe du Monde. C'est évidemment à dessein que le terme renvoie à la biologie.
Le germe d'une plante n'est pas la plante. Mais, progressivement, il va engendrer des cellules, qui vont engendrer d'autres cellules, qui vont finalement constituer la plante. Le germe en tant que tel aura disparu. Pourtant il restera présent, bien caché dans chacune des cellules. Il se sera déployé en elles.
De la même manière, le Germe du Monde n'est pas le monde. Il est l'ensemble des eidos d'où est sorti notre monde actuel, à force d'unions et de séparations sous la conduite du Principe Directeur (cette idée sera approfondie au chapitre suivant consacré à la cosmogonie). Aujourd'hui, ce Germe n'existe plus en tant que tel. En revanche, il se retrouve déployé dans tous les plans de la création, enfoui, caché, indissolublement lié aux eidos qu'il a engendrés.
Ce que nous avons nommé symboles du second type correspond en fin de compte à ces eidos que l'homme construit pour tenter d'approcher les eidos du Germe. La tâche est rendue difficile par le fait que, comme nous venons de le signaler, le Germe lui-même n'est plus, et qu'il est seulement reflété par tout le déploiement dont il est à l'origine. C'est un peu comme une mélodie qu'il faudrait retrouver derrière des changements de rythme et de tonalité. Tout est une question d'oreille. Mais comme, par coévolution, l'oreille s'est faite par rapport à ce qu'elle avait à entendre, et que réciproquement des sons ont été engendrés par rapport à l'oreille qui devait les entendre, nous découvrons qu'il peut y avoir résonance harmonique. La connaissance symbolique est donc bien possible.
Cette idée d'harmonie, non pas préétablie mais issue d'une dynamique co-évolutive, doit permettre de nous dépêtrer une fois pour toutes du paradoxe de l'observateur et de l'observé. Dans la mesure où la connaissance symbolique est une construction humaine rationnelle, il est normal qu'une certaine séparation subsiste entre l'observateur et le monde. Mais comme cette séparation n'existe pas dans la réalité de la Weid, il est en même temps nécessaire de l'abolir si nous voulons obtenir une connaissance valable. En cherchant uniquement des " harmonies ", nous résolvons le problème. Parce que c'est le même " son " fondamental qui est à l'origine du monde que nous observons et de nous-mêmes qui l'observons, nous avons une résonance entre nous et le monde. Autrement dit, comme nous ne sommes au fond pas séparés du monde, nous pouvons résonner avec lui, et cette résonance est porteuse de sens, celui du Germe.
Nous voyons peu à peu se dessiner les contours d'une science nouvelle. Son objet est d'approcher le plus près possible des eidos du Germe. Sa méthode consiste à chercher des analogies de plan à plan (Minéral, Végétal, Animal, Humain, etc.), puis dans un second temps à formuler les correspondances d'une manière en quelque sorte transversale. Nous avons déjà avec la suite de Fibonacci un bon exemple d'application de cette méthode. Il y en a d'autres, à commencer par la notion " banale " d'espace tridimensionnel qui mériterait une réflexion très approfondie.
Après avoir soigneusement exploré les divers moyens dont nous disposons pour connaître le monde, nous nous retrouvons à l'issue de ce chapitre avec deux types de sciences. Nous avons tout d'abord une science caractérisée par le fait que " ça marche ", une science de l'utile donc, car elle est fondée, comme nous l'avons vu plus haut, sur une méthode qui prolonge nos outils de perception. Elle nous donne le pouvoir d'agir plus efficacement sur le monde. C'est amplement suffisant pour nous faciliter la vie (ou parfois pour la rendre plus désagréable, car son efficacité est neutre, et tout dépend finalement de ce que nous en faisons). Nul besoin en effet de nous prendre la tête avec les questions de réalité et d'apparence, de vrai et de faux, pour construire un pont qui tienne, concevoir un nouvel ordinateur, prévoir un tremblement de terre, cultiver du blé, ou réduire une fracture. L'important est que ça marche, en gardant toutefois bien à l'esprit que toute connaissance de ce type a un domaine de validité limité, au-delà duquel elle n'est plus bonne à rien.
Cette position épistémologique très pragmatique débouche sur ce que nous appelons l'approche pavage. Cela signifie que, sur le plan du pratique et de l'utile, il est vain de vouloir unifier tous les domaines du savoir. Chacun délimite son espace propre, un pavé, sur lequel il donne de bons résultats. L'ensemble de tous les pavés constitue la somme des connaissances scientifiques du moment. C'est donc sans surprise que nous retrouvons les divisions classiques, à quoi s'ajoutent quelques unes plus récentes : physique quantique, relativité, astrophysique, paléontologie, climatologie, géologie, biologie, neurologie, champs morphiques, etc., etc. Bien sûr, il est parfois possible de rassembler plusieurs de ces pavés en un seul plus englobant, comme l'électromagnétisme et la force faible ont été unifiés dans la théorie électrofaible. Mais, parce que, comme nous l'avons expliqué, ces pavés sont des constructions largement déconnectées de la réalité même du monde, il est tout à fait impossible de construire une théorie scientifique qui recouvre tout le plan de la connaissance. Les positivistes avaient finalement raison de dire que le but de la science n'est pas de connaître l'être même des choses, mais de construire des vérités provisoires en partant de l'observation et de l'expérience des phénomènes.
Tant de chemin parcouru pour en revenir là ? Et bien pas tout à fait, car, heureusement, à côté de cette science de l'utile, nous avons découvert la possibilité d'une science différente, qui elle donne accès à la réalité même de notre monde et ne se borne pas à lui plaquer dessus des masques provisoires. En procédant par analogie, cette science permet de remonter au contenu même des eidos du Germe. Et comme ces eidos sont à l'origine à la fois du monde que nous observons et de nous-mêmes qui observons le monde, nous pouvons ainsi découvrir les harmonies qui règlent la marche de notre univers, ce qui en fin de compte donne aussi raison aux pythagoriciens ! Cette harmonie est évidemment le fondement de l'esthétique. Le Beau révèle une correspondance entre objectif et subjectif. Il est objectif parce qu'il reflète quelque chose de la structure du Monde. Il est en même temps subjectif parce qu'il reflète la façon dont l'homme construit ses perceptions. Mais attention, parce qu'il repose sur quelque chose d'intrinsèque à la nature de l'homme, ce subjectif-là n'est pas soumis aux limitations culturelles. C'est pourquoi nous pensons que cette science est celle de l'universel. Par là, elle est celle du Beau et de l'agréable. Mais l'agréable n'est-il pas utile lui aussi ? Il est un fait qu'on est mieux quand règnent harmonie et beauté C'est toute une histoire qui se profile. Nous y viendrons, mais pas à pas, et non sans avoir auparavant fait un plongeon dans le passé, à la recherche des origines.
Pour regarder le monde, pour l'observer, pour le comprendre, il faut pouvoir se situer par rapport à lui. C'est là que les difficultés commencent, car il nous est structurellement impossible de nous installer sur un escabeau pour observer les choses d'un oeil extérieur. Pourquoi ? Tout simplement parce qu'on ne peut pas se détacher de ce monde dont nous faisons partie. Nous avons l'impression d'en être séparé, mais ce n'est qu'une illusion provoquée par le mécanisme de notre perception. En réalité, l'être humain n'est que le résultat d'une longue chaîne de construction d'eidos qui, de l'agrégat atome à l'agrégat homme, de perception en perception, a donné naissance simultanément au monde et à sa représentation. Monde et représentation du monde se construisent ensemble sous l'action des deux Causes. Il y a co-création. Monde et représentation du monde glissent doucement ensemble vers quelque chose de plus parfait sous l'action du Principe Directeur, comme une suite logique de cause à effet. C'est une coévolution. Il ne peut donc pas y avoir de monde sans représentation du monde, et pas de représentation du monde sans monde. L'un n'existe pas sans l'autre. Co-création et co-évolution font qu'en bout de course, l'être humain, enfant de toute cette histoire, se trouve complètement englué dans un univers où représentation du monde et monde se confondent.
Et l'histoire ne s'arrête pas là. Chaque fois que nous pensons, nous créons un nouvel eidos, une nouvelle réalité qui, de réaffirmation en réaffirmation, finit par devenir le monde. Mais pourquoi alors malgré des millénaires de croyance en une Terre plate, n'avons-nous pas réussi à la rendre plate ? Parce que les tricotages d'eidos des plans minéraux qui nous ont précédés en ont décidé autrement. Nous n'avons fait que plaquer dessus le nom qui semblaient convenir le mieux à sa forme. Nous avons fabriqué un nouvel eidos, celui de la Terre ronde. Et en le fabriquant, nous avons eu l'impression de saisir une part du grand secret. C'est certainement vrai. Même si le Minéral n'a aucune notion d'avoir fabriqué un objet rond, sur notre plan à nous, c'est le mot qui convient le mieux comme aboutissement de cette série de glissements. Mais, il ne faut pas donner au mot rond plus de valeur que ça. Il reste tout de même une distance énorme entre le mot et la chaîne d'eidos primitifs qui lui ont donné naissance. Ce n'est qu'un mot, qui d'ailleurs existait avant que soit découverte la rotondité de la terre. Il est comme le reste fruit de nos constructions de pensées.
La connaissance du monde en soi nous serait-elle donc toujours interdite ? Pas vraiment. De toute manière la question ne se pose pas comme cela. Le monde dans lequel nous vivons est aussi réel que le monde que nous disons " en soi ". Il n'y a pas d'un côté une réalité cachée et de l'autre une réalité qui nous apparaît. Sur le plan de conscience des humains terrestres, tout ce que nous voyons existe. Il n'y a pas plus ni moins de vérité ici qu'ailleurs. Sur ce plan, il n'y a rien d'autre à chercher. Si nous voulons découvrir autre chose, voir le monde différemment, il nous faut changer de plan de conscience. Pour cela, il faut partir sans bagage, c'est-à-dire laisser derrière tous les eidos qui constituent notre modèle du monde. Un voyage qui passe nécessairement par un état de conscience modifié. C'est fondamental pour comprendre qu'il existe d'autres réalités qui valent bien notre réalité ordinaire. Cela permet d'acquérir plus vite un état de détachement, mais qui tout de même ne doit pas faire oublier que c'est sur le plan terrestre que nous vivons et que nous devons nous accomplir.
1. Carlos CASTANEDA, L'herbe du diable et la petite fumée (Soleil Noir, 1972), Voir (Gallimard, 1973), Voyage à Ixtlan (Gallimard, 1974), Histoires de pouvoir (Gallimard, 1974).
2. Stanislav GROF, Royaumes de l'inconscient humain, éditions du Rocher, 1975.
3. Jérôme BOURGINE, Le voyage astral, éditions du Rocher, 1993.
4. La mort transfigurée, Ouvrage collectif, l'âge du Verseau, 1992.
5. Edward ROSENFELD, Le livre des extases, Marabout, 1973.
6. Jean-Claude PEREZ, De l'ordre et du chaos dans l'ADN, Science et Technologie n°36, avril 1991.
7. Etienne GUILLE, L'énergie des pyramides et de l'homme, l'Originel, 1989.
8. communication personnelle de Françoise Chatelin
9. Stéphane DOUADY et Yves COUDER, La physique des spirales végétales, La Recherche n°250, janvier 1993.
10. Jean-Claude PEREZ, De l'ordre et du chaos dans l'ADN, Science et Technologie n°36, avril 1991.
11. expérience de Martin et Martienssen, 1986, citée par Heinz Georg Schuster dans Deterministic chaos, édition VCH.
12. expérience de Rayleigh-Bénard réalisée par Jensen, 1985, citée par Schuster dans Deterministic chaos, édition VCH.
13. Vincent CROQUETTE, Déterminisme et chaos, Pour la Science n°53.